Regard singulier et moderne sur la sexualité, « De l’or pour les chiens » est le film des premières fois, en tant que réalisatrice pour Anna Cazenave-Cambet et actrice pour Tallulah Cassavetti. Le duo féminin apporte un regard neuf sur les premiers émois, les premières déceptions amoureuses. Celle d’Esther 17 ans est de taille ! Jean sentait bon l’été, le sable chaud, l’océan et les beaux clichés. A Paris, où elle est partie le retrouver, le mirage fait place à la triste réalité. La jeune fille se retrouve seule, désemparée. Son cheminement intérieur la mènera jusqu’aux portes d’un monastère… Le film quasi muet et un brin surréaliste doit beaucoup à son actrice Tallulah Cassavetti que nous avons rencontrée.

« De l’or pour les chiens » commence par une scène de sexe assez forte, comment l’as-tu appréhendée ? Est-ce que cela t’a découragé ?
Tallulah Cassavetti : « En fait, j’ai répondu à une annonce sur Instagram. Anna, la réalisatrice, m’a donné rendez-vous pour me dire qu’elle pensait à moi pour le rôle d’Esther. Elle m’a fait lire la première scène en détail et elle me l’a justifiée dès le début. Elle m’a dit que le film parlait de sexualité et de consentement mais qu’elle ne voulait pas mettre ses acteurs à poil gratuitement. Elle m’a mise immédiatement en confiance. En plus au début du projet, j’étais très jeune, j’avais 16 ans, mais 18 ans quand nous avons commencé le tournage. Pour travailler cette scène, nous avons défini une méthode de travail, c’est la seule que nous avons répétée. Nous étions, moi et Corentin, habillés à ce moment là. Nous en avons beaucoup parlé ensemble. Lui est plus âgé et il avait déjà fait des scènes de sexe. Il connaît l’engagement dont il faut faire preuve. Nous savions ce que nous pouvions toucher ou pas. Cette scène, entre Jean et Esther, est vraiment importante car elle définit leur rapport. Nous avons aussi évoqué les sentiments, la façon dont Esther percevait Jean et inversement. Tout était vraiment bien balisé ».
A l’heure de #MeToo, est-ce que cela t’a aidé que le film soit réalisé par une femme ?
Tallulah Cassavetti : « Bien sûr. Non seulement Anna est une femme mais aussi une militante. Elle est très engagée. Le courant est passé immédiatement entre nous. Malheureusement, j’ai des retours d’autres comédiens pour qui les tournages ne se passent pas aussi bien. Sous prétexte qu’on fait de l’art, on ne peut pas faire n’importe quoi. C’est un travail, certes plus glamour que d’autres, mais ça reste un travail, il y a des règles à respecter. J’ai souvent ce genre de discussion avec des amis, et dans tous les domaines ».

Qu’est-ce qui t’a plu dans le personnage d’Esther ? Te sens-tu proche d’elle ?
Tallulah Cassavetti : « Au début, j’ai eu du mal à la comprendre. J’étais même assez gênée par certaines scènes. Ce n’est pas la scène de sexe qui m’a le plus dérangé, c’est celle où elle écrit dans son carnet. Elle y raconte en détail les fois où elle a couché avec Jean. Je trouvais ça très bizarre. Je ne comprenais pas pourquoi elle faisait ça. Par contre, c’est un personnage fort et plein d’amour. En ce sens, Esther me touche beaucoup. Je la trouve trop mignonne parfois. Contrairement à Esther, je suis totalement parisienne. En me baladant parfois en vélo, je pense à elle, en me disant qu’elle aimerait trop. Nous avons beaucoup travaillé aussi sur le rapport à la ville et la campagne. Le rapport au corps dans l’espace n’est pas le même ».
La scène où tu danses seule dans le café, presque face à la caméra, est très poignante et particulièrement réussie. Celle-ci non plus, vous le l’aviez pas répétée ?
Tallulah Cassavetti : « Non. Pour le coup, dans cette scène, c’est vraiment moi qu’on voit. J’aime beaucoup danser et je danse comme ça. Mes amis, qui ont vu le film, me disent généralement que je joue bien parce qu’on ne me reconnaît pas, mais ils ont trouvé cette scène bizarre car ils avaient vraiment l’impression de me voir moi, telle que je suis ».

Il y a peu de dialogues dans le film, est-ce que cela est frustrant ou au contraire un challenge pour une jeune actrice ?
Tallulah Cassavetti : « « De l’or pour les chien » est mon premier long-métrage et le fait qu’il n’y ait pas beaucoup de dialogues m’a plutôt rassuré. J’ai eu un peu peur au début, mais finalement j’ai pu apprendre tout le scénario [rires]. Le premier jour, j’étais vraiment très stressée car nous n’avions jamais répété. Finalement, tout le monde l’était, ça m’a déstressé [rires] ».
De l’or pour les chiens, un film d’Anna Cazenave-Cambet avec Tallulah Cassavetti et Corentin Fila. Actuellement au cinéma.
