Un Cendrillon féérique et engagé à l’Opéra de Paris 

La metteuse en scène Mariame Clément revisite l’adaptation en opéra, non dépourvue de fantaisie, du célèbre conte de Perrault Cendrillon par Jules Massenet (1842-1912) : un enchantement audacieux dans la lignée de Peau d’Âne (1970), le film culte de Jacques Demy.

Cendrillon à l’Opéra Bastille, Paris – extrait

Présenté pour la première fois le 24 mai 1899, à l’Opéra Comique, à Paris, le Cendrillon de Jules Massenet surprend ! Le compositeur français, alors au sommet de sa carrière, s’autorise quelques libertés bienvenues. Ici, point de citrouille ni de carrosse, encore moins de pantoufles à essayer, Cendrillon et le prince charmant se reconnaissent au premier regard, les libérant d’une solitude pesante ! Plus surprenant encore, le musicien offre le rôle du prince à une mezzo-soprano (ici Paula Murrihy), une valeur symbolique résolument dans l’air du temps, à l’instar du casting 100% féminin de cette version présentée actuellement à l’Opéra Bastille : la cheffe canadienne Keri-Lynn Wilson à la Direction musicale, Mariame Clément à la mise en scène et Julia Hansen aux décors et costumes.

Cendrillon à l’Opéra Bastille, Paris – extrait

Avec finesse, la metteuse en scène Mariame Clément prolonge la volonté de Jules Massenet : revisiter sans dénaturer le conte de Perrault. A la manière de Jacques Demy pour son Peau d’Âne (1970), elle glisse ici et là quelques anachronismes : une paire de baskets, des masques chirurgicaux et des montres remplacées par des smartphones à gousset. Elle resitue également l’action à la Belle Époque, époque de création de la partition, en lançant des clins d’œil à la Fée électricité (Caroline Wettergreen à la voix parfaitement cristalline) et au cinéma de Méliès, dont la fabuleuse machine à produire des princesses semble tout droit sortir. 

Cendrillon à l’Opéra Bastille, Paris – extrait

De féérie et de romantisme, cette version n’en manque pas, mais de noirceur aussi. La dépression, l’alcoolisme, le suicide ou l’inceste y sont abordés parfois indirectement. La relation entre Pandolfe (Laurent Naouri) et Lucette sa fille noire, alias Cendrillon (magistrale Jeanine De Bique), est relativement ambiguë. Au final, derrière les crinolines roses bonbon et la salle de bal grandiose se dévoile un message politique audacieux ! 

Cendrillon à l’Opéra Bastille, Paris © Elisa Haberer

Cendrillon à l’Opéra Bastille, Paris, jusqu’au 16 novembre 2024.
Plus d’informations sur le site officiel : https://www.operadeparis.fr/saison-23-24/opera/cendrillon