Manet / Degas au musée d’Orsay, une grande complicité faite de divergences

Le musée d’Orsay met en lumière la complicité d’Édouard Manet (1832-1883) et Edgar Degas (1834-1917), tous deux pionniers de la nouvelle peinture des années 1860-80, à travers l’exposition Manet / Degas.

Olympia de Manet – Vue de l’exposition Manet / Degas au musée d’Orsay © Benoit Gaboriaud

Figures emblématiques de la nouvelle peinture des années 1860-80, Édouard Manet (1832-1883) et Edgar Degas (1834-1917) étaient particulièrement complices aussi bien dans l’intimité que dans leur démarche artistique révolutionnaire. Dans leurs œuvres, les similitudes sont nombreuses : les courses de chevaux, les scènes de café ou de toilettes intimes, mais encore la prostitution. Un hasard ? certainement pas ! Les deux artistes fréquentaient les mêmes lieux et évoluaient dans le même cercle familial, d’amis ou de collectionneurs, qu’ils ont su apprivoiser chacun à leur manière. Pour autant, cette exposition, qui va de la naissance de l’impressionnisme à l’après, montre que finalement davantage d’éléments les dissocient. Leurs goûts en matière de musique et de littérature diffèrent totalement. Si leurs expériences de la guerre de 1870 et des lendemains de la commune renforcent leur amitié, leurs choix en matière de carrière artistique les éloigne. Mondain et à l’aise en société, Manet court après la reconnaissance, alors que Degas se fait volontairement plus discret, évoluant dans un entourage très restreint. 

Un même sujet, deux intentions diamétralement opposées.

A droite La Prune de Manet, à gauche L’Absinthe de Degas. Vue de l’exposition Manet/Degas au musée d’Orsay © Benoit Gaboriaud

La comparaison la plus parlante en la matière est sans aucun doute celle faite entre les deux versions du portrait de l’actrice Ellen Andrée immortalisée par les deux artistes au café de la Nouvelle-Athènes, à Paris. Dans L’Absinthe aussi intitulé Dans un café (1875-1876), Degas la représente aux côtés du graveur Marcellin Desboutin. Presque misérable, la jeune femme y apparait le regard vague, ayant l’alcool triste. Il se dégage de la toile une grande tristesse, bouleversante. Manet la peint dans ce même lieu un an plus tard. Dans son tableau La Prune, l’artiste la dévoile élégamment vêtue et ayant l’alcool joyeux, telle une séductrice espiègle !

A gauche Monsieur et Madame Edouard Manet.de Degas – Vue de l’exposition Manet/Degas au musée d’Orsay © Benoit Gaboriaud

Malgré ces différences d’interprétation, les artistes se respectaient et se tiraient le portrait, suscitant parfois quelques accrochages, dans les deux sens du terme. En 1868, Edgar Degas réalise celui de Monsieur et Madame Edouard Manet. Le peintre y apparaît affalé sur un canapé, totalement décontracté, écoutant son épouse jouer du piano. Une fois terminé, Degas offre à Manet la toile dans laquelle il découvre sa femme enlaidie, selon lui. Il décide alors de la cacher en partie en y ajoutant un rideau. Vexé, Degas reprend la toile dans le but de lui rendre son visage, ce qu’il ne fera finalement jamais. Avait-il perçu un aspect graphique moderne qu’on retrouve dans Le Tub, 1886, à savoir cette diagonale monochrome ? La femme au bain est un thème cher à Degas qu’il aborde dès 1876 dans Femme nue accroupie, de dos.

A gauche Le tub de Degas – A droite Femme dans un tub de Manet – Vue de l’exposition Manet/Degas au musée d’Orsay © Benoit Gaboriaud

Manet s’en inspire et expose en 1880 plusieurs toiles sur ce même thème, dans les locaux de la Vie moderne, une revue hebdomadaire illustrée, d’art et de littérature française, fondée en 1879 à Paris.

Tout ou presque réunissait les deux artistes d’une certaine façon et les éloignait d’une autre. 

Note : 5/5. Exposition Manet/Degas au musée d’Orsay jusqu’au 23 juillet 2023.

Pour en savoir plus sur l’exposition découvrez notre balade photographique ci-dessous, bonne visite !