Comment devient-on un journaliste en quête de vérité après avoir reçu l’éducation d’un père intégriste ? La réponse dans le troublant et indispensable Dissident Club, de Taha Siddiqui et Hubert Maury.

En 2018, après avoir été victime d’une tentative d’assasinat au Pakistan, son pays d’origine, Taha Siddiqui, journaliste d’investigation et Prix Albert Londres en 2014 pour son travail sur La guerre de la polio, trouve refuge en France. Epaulé par Hubert Maury, scénariste et dessinateur, il raconte dans le poignant et touchant Dissident Club comment il en est arrivé là ! Tout commence dès l’enfance, en Arabie Saoudite où ses parents ont migré, avec pour objectif une vie meilleure. Sous l’emprise d’un père musulman rigoriste, Taha idolâtre Ben Laden, un héros qui vient supplanter les Batman et Superman qui lui sont désormais interdits, tout comme les VHS, la musique… et autres divertissements. En pleine Guerre du Golfe, la police des mœurs commence à sévir. Placé dans une école coranique et aux prises avec les fondamentalistes religieux, l’adolescent fréquente un groupe d’amis qui ont des divergences d’opinion et qui préfèrent le foot à la prière. Taha se laisse embarquer… notamment dans une course poursuite avec la Muttawa, haletante et surréaliste.

Dissident Club de Taha Siddiqui et Hubert Maury © Glénat
Chronique d’enfance et d’adolescence particulièrement touchante et intelligente, Dissident Club retrace avec un humour libérateur et décomplexé le quotidien d’un jeune homme tiraillé entre les idées de son père intégriste, qu’il admirait, et la vie moderne. Entre les interdits et la liberté, son cœur balance de moins en moins. Au fil du temps, Taha, de retour au Pakistan, commence à penser par lui-même… le choc sera de taille ! Sans concession et sans pathos, avec une rare neutralité et une grande sincérité, Taha Siddiqui se raconte sous le trait juste et vif d’Hubert Maury qui avec trois coups de crayon anime magistralement les bouilles des enfants : Taha et ses frères notamment ! Tout le passage, une bonne moitié de la BD, sur l’éducation religieuse et les doutes est particulièrement saisissant. La suite s’accélère et offre une vision limpide du Pakistan, sur les trente dernières années, un peu complexe mais nécessaire pour comprendre l’issue du récit.
Aujourd’hui Taha Siddiqui et sa famille vivent à Paris. En 2020, Taha a ouvert The Dissident Club, un café & bar où les dissidents du monde entier se retrouvent pour échanger tout simplement ou autour de conférences, d’expositions et de projections.
Note 4/5. Dissident Club – Scénario : Taha Siddiqui et Hubert Maury – Dessin : Hubert Maury – Pages : 272 – Prix : 29 € – Editeur : Glénat Collection 1000 Feuilles


