Lucia di Lammermoor, l’opéra de Gaetano Donizetti contre la domination masculine

Les opéras de Gaetano Donizetti, particulièrement productif entre 1816 et 1843, sont pour beaucoup tombés dans l’oubli. L’Opéra Bastille remet en lumière son chef-d’oeuvre « Lucia di Lammermoor » !

Lucia di Lammermoor © Emilie-Brouchon

Né à Bergame en 1797, Gaetano Donizetti occupe une place charnière entre Rossini (1792-1868) et Verdi (1813-1901). Le compositeur italien n’aura malheureusement pas rencontré le même succès que ses confrères, pourtant son opéra « Lucia di Lammermoor » a tout d’un grand ! 

Lucia di Lammermoor © Emilie-Brouchon

Tragédie romantique, le livret, signé Salvadore Cammarano, évoque « Roméo et Juliette » de William Shakespeare, source inépuisable d’inspiration pour les dramaturges, mais le librettiste a en fait puisé ses idées dans « The Bride of Lammermoor », un roman de Walter Scott publié en 1819. L’auteur écossais s’était lui-même inspiré d’une histoire vraie, celle de Janet Dalrymple qui assassina son mari pendant sa nuit de noces et le paya de sa raison.

Lucia di Lammermoor © Emilie-Brouchon

Le récit de « Lucia di Lammermoor » ne se situe donc pas en Italie mais dans le sud de l’Ecosse, dans les collines de Lammermoor. Enrico Ashton, en disgrâce auprès du pouvoir politique, veut marier sa sœur, Lucia, à Arturo Bucklaw, pour redorer son blason. Mais voilà, Lucia vit le parfait amour avec Edgardo di Ravenswood, un opposant à la famille Ashton à cause de vieilles rivalités. Enrico profite du départ d’Edgardo sur le front pour convaincre sa sœur de l’infidélité de son prétendant. Désemparée, elle finit par accepter l’union proposée par son frère, qui va être chamboulée par le retour inattendu d’Edgardo le jour j. Cette scène est un des moments forts de l’Opéra porté par le célèbre sextuor dans lequel chaque personnage livre ses impressions face à ce bouleversement. Se sentant trahi, l’homme maudit publiquement sa dulcinée… tout cela va évidemment mal finir. Mais l’histoire un brin féministe est rondement menée et pleine de rebondissements ! Le destin de cette jeune femme en proie à la domination masculine et de se fait à sa démence destructrice, est particulièrement poignant. Sublimé par la partition de Gaetano Donizetti, « Lucia di Lammermoor » contient même un « tube », « l’air de la folie » de Lucia, qui exige de son interprète une technique exceptionnelle et une grande sensibilité dramatique. Membre de l’Ensemble de l’Opéra de Francfort, Brenda Rae, après Natalie Dessay, réussit ce passage à merveille et porte son personnage au sommet. L’image de Lucia ensanglantée, finalement victime de la folie des hommes, rappelle celle de « Carrie au bal du diable », le film de Brain De Palma, preuve de la grande modernité de cette œuvre qui mérite largement son rang de classique !

Lucia di Lammermoor © Emilie-Brouchon

Côté casting, rien à dire, aussi bien sur scène que dans la fosse, on frôle la perfection. La mise en scène d’Andrei Serban créée au milieu des années 90 n’a pas pris une ride, on peut seulement regretter que les trois actes se déroulent dans un unique décor. 

Lucia di Lammermoor à l’Opéra Bastille jusqu’au 10 mars 2023.
Plus d’informations sur le site officiel : www.operadeparis.fr