Notre série de l’été : Décryptage de l’œuvre de Peder Severin Krøyer 1/4

Assez méconnue du grand public, l’œuvre du peintre danois Peder Severin Krøyer investit le Musée Marmottan Monet, le temps de l’exposition incontournable « L’heure bleue de Peder Severin Krøyer ».

Soirée calme sur la plage de Skagen, Sønderstrand (Anna Ancher et Marie Krøyer marchant)
1893
Huile sur toile
100 x 150 cm
Skagen, Skagen Kunstmuseer
© Art Museums of Skagen

L’exposition « L’heure bleue de Peder Severin Krøyer » fermera ses portes le 26 septembre 2021. D’ici là, le commissaire de l’exposition Dominique Lobstein nous présentera quatre tableaux emblématiques du travail du peintre longtemps oublié. Nous commençons par « Soirée calme sur la plage de Skagen » (1893), celui qui a remis l’artiste dans la lumière.

A gauche : Peder Severin Krøyer – Anna Ancher et Marie Krøyer sur la plage au sud de Skagen vers 1893 – Photographie (reproduction numérique) 17 x 12,1 – Skagen, Skagens Kunstmuseer

Dominique Lobstein, commissaire de l’exposition : « Krøyer est né le 23 juillet 1851 à Stavanger, en Norvège, mais il a vécu principalement à Copenhague. Quand il était étudiant, il allait au bord de la mer pour peindre les pécheurs. La mer et tout ce qui tourne autour a été fondamental dans son travail. Ce tableau est arrivé au musée de Skagen dans les années 1980/90. Il a était offert par un industriel allemand qui l’avait acheté aux enchères une fortune, quelques années auparavant à New York. Cette vente a permis de remettre les projecteurs sur l’œuvre de Krøyer qui avait été un peu oublié. Ce chef-d’œuvre a aussi redonné une énorme vitalité au musée de Skagen qui était alors un petit musée tranquille. Il a entraîné l’arrivée d’autres chef-d’œuvre et l’agrandissement du musée.

« Soirée calme sur la plage de Skagen » a été peint au début des années 1890 par Krøyer à Skagen mais d’après une photographie. Le peintre était photographe et avait photographié, sur la plage de Skagen, sa femme et une de leur amie Anna Ancher, peintre et femme du peintre Michael Peter Ancher. Concernant les personnages, il y a peu de différences entre la photographie et la peinture. Le visage de sa femme est légèrement plus incliné. Il a aussi supprimé le ruban noire de la robe pour le remplacer par un jaune. Pour réaliser un tableau, Krøyer travaille énormément au préalable. Il n’est pas du tout dans la spontanéité. On a retrouvé des carnets de dessins dans lesquels on identifie cette diagonale qui traverse le tableau et qu’il a souvent utilisée. On remarque aussi dans ses croquis qu’il s’est posé la question de l’endroit où il allait mettre ces deux dames. Finalement, il a choisit une position intermédiaire. Elles ne rentrent ni ne sortent de l’image. Sur la plage, elles sont aussi sur un autre milieu intermédiaire, ni sur la plage vraiment ni dans la mer. Elles sont sur cette partie qui vient à peine d’être découverte par l’eau. C’est très symbolique, elles semblent avancer sur le chemin de la vie. Le tableau date de 1893. Krøyer a épousé Marie en 89 et était alors encore un jeune marié. On perçoit dans ce tableau un certain bonheur de vivre. On peut souligner comment le coup de sa femme est dans la lumière, c’est un point focal du tableau délibéré qui permet de concentrer le regard en ce point avant qu’il ne se répande sur l’œuvre.

Enfin, entre le bleu de la mer et celui du ciel, il y a un bleu plus intense que nous appelons nous « entre chien et loup » et qu’eux appellent « L’heure bleue » » .

L’heure bleue de Peder Severin Krøyer, au Musée Marmottant Monet jusqu’au 26 septembre 2021
Informations pratiques : https://www.marmottan.fr