Opéra français le plus célèbre et le plus joué au monde, Carmen revient à l’Opéra Comique qui l’a vu naître le 3 mars 1875, et y triomphe à nouveau.
Maintes fois jouée et adaptée au cinéma, œuvre populaire riche de plusieurs airs célèbres, Carmen de Georges Bizet (1838-1875) parvient encore à séduire, surtout quand elle est incarnée par Gaëlle Arquez. Le rôle de la Bohémienne au tempérament de feu lui sied à merveille. Cette nouvelle production mise en scène par Andreas Homoki ne manque pas de piquant. A l’affiche : un casting hors pair, avec une mention spéciale à Frédéric Antoun en Don José, un habitué des lieux, et Elbenita Kajtazi en Micaëla, tous deux magistraux, notamment dans leur duo de la scène 7 de l’acte 1.

Brûlant, le thème de Carmen reste malheureusement d’actualité. A la fin du XIXe siècle, le terme n’était pas encore inscrit dans la loi française, mais l’héroïne est sans aucun doute victime d’un féminicide, comme le souligne habilement cette version moderne d’Andreas Homoki. Lui résistant, l’ex brigadier Don José l’assassine pour ne pas souffrir de la voir partir avec le toréador. Carmen l’avait pourtant prévenu : « L’amour est enfant de bohême / Il n’a jamais, jamais connu de loi / Si tu ne m’aimes pas, je t’aime / Si je t’aime prends garde à toi ». Libre comme un oiseau rebelle, la jeune femme se joue des hommes et quand elle refuse de se soumettre à eux, se présente à elle, comme seule issue possible, la mort. Tragédie flamboyante, Carmen retrouve sa splendeur à la Salle Favart sous la houlette de Louis Langrée, le patron des lieux. Vive et tranchante, sa direction musicale ne manque pas de caractère. Les décors sont minimalistes : un seul rideau partage la scène en deux, dans le sens de la profondeur, créant ainsi une seconde scène sur scène et permettant quelques clins d’œil amusants à l’univers du théâtre. De l’humour, le livret originel n’en manque pas, notamment quand le Dancaïre et le Remendado veulent convaincre Carmen de les suivre dans un mauvais coup : « Quand il s’agit de tromperie, de duperie, de volerie. Il est toujours bon, sur ma foi, d’avoir les femmes avec soi ». De fantaisie non plus, cette version enflammée n’en manque pas. L’action débute à l’heure de la première du spectacle, mais après l’entracte, à l’acte III, des chutes de neige apparaissent derrière les grandes portes, à l’arrière de la scène, pour signifier que le temps a passé. Nous sommes à Paris sous l’occupation allemande, période de trouble propice à la contrebande à laquelle s’adonnent notre héroïne et la bande du Dancaïre. Changement d’époque à l’acte IV. Nous retrouvons les personnages, de nos jours, assistant à la corrida devant un poste de télévision puis célébrant la victoire du toréador avec des serpentins et des confettis. Seul Don José, habillé à l’ancienne, semble être figé dans le passé, avec sa vision rétrograde de la femme. Bien vu !

Note 5/5. Carmen à l’Opéra Comique jusqu’au 4 mai 2023 puis sur Arte Concert le 21 juin 2023.
Plus d’informations sur le site officiel : www.opera-comique.com