Suzanne Valadon : une artiste radicale et transgressive, à découvrir au Centre Pompidou Metz

A son époque, la peinture d’une femme n’avait à priori aucun intérêt. Malgré tout, grâce au soutien de ses pairs, Suzanne Valadon (1865 – 1938) s’impose au fil du temps dans les salons les plus prestigieux. Plus transgressive et radicale que la plupart de ses contemporains masculins, l’artiste investit le Centre Pompidou Metz qui lui consacre une des expositions les plus passionnantes de l’année : Suzanne Valadon – Un monde à soi.

Vue de l’exposition Suzanne Valadon – Un monde à soi au Centre Pompidou Metz © Benoit Gaboriaud

Entourée de peintres plus célèbres qu’elle de son vivant, son fils alcoolique Maurice Utrillo et son mari André Utter, Suzanne Valadon, nettement plus audacieuse, les a aujourd’hui dépassés en notoriété. Peu rancunière, elle n’a cessé de leur rendre hommage dans sa peinture. A travers son œuvre, iconique de la modernité naissante, l’exposition dresse le portrait d’une époque à la lisière de deux mondes, l’ancien et le nouveau. Alors que le cubisme et l’art abstrait sont en vogue, l’artiste défend, avec conviction et à contre courant, la nécessité de peindre le réel.

Vue de l’exposition Suzanne Valadon – Un monde à soi au Centre Pompidou Metz © Benoit Gaboriaud

Née le 23 septembre 1865 à Bessines-sur-Gartempe en Haute-Vienne, Marie-Clémentine Valadon grandit sur la butte de Montmartre et se prédestine à une carrière de circassienne. Une mauvaise chute change la donne. Ainsi, elle devient modèle pour notamment Puvis de Chavannes, Pierre-Auguste Renoir et Henri de Toulouse-Lautrec qui la surnomme Suzanne en référence à l’épisode biblique de « Suzanne et les Vieillards ». Elle l’adopte. Certains historiens pensent reconnaître la jeune femme dans Femme nue dans un paysage (1883) de Renoir, toile présentée dans l’accrochage, comme celles d’autres artistes pour qui elle a posé. Dans les ateliers, ici et là, en parfaite observatrice, elle pioche quelques idées, quelques mouvements de pinceau.

Pierre Auguste Renoir, Femme nue dans un paysage, 1883 – huile sur toile, 65 × 54 cm – Paris, musée de l’Orangerie
Suzanne Valadon, Marie Coca et sa fille Gilberte, 1913 – huile sur toile, 162 × 129,5 cm – Lyon, musée des Beaux-Arts et Autoportrait, 1911 – huile sur toile, 72,4 × 57,5 cm – Paris, collection particulière
Copyright : © Centre Pompidou-Metz / Photo Marc Domage / 2023 / Exposition Suzanne Valadon. Un monde à soi

En 1883, à 18 ans à peine, elle donne naissance à Maurice Utrillo et réalise dans la foulée un autoportrait. Ce pastel est la première œuvre qu’elle signe de son nom d’artiste Suzanne Valadon. Encore inconnue du grand public, la peintre côtoie pourtant les plus grands, dont Edgar Degas en 1994 qui sera son plus fidèle admirateur et collectionneur. Cette amitié est renforcée par une même vision du modèle. Suzanne Valadon précisait : « Il faut avoir le courage de regarder le modèle en face si l’on veut atteindre l’âme. ne m’amenez jamais une femme qui cherche l’aimable ou le joli – je la décevrai tout de suite ». 

Suzanne Valadon, Été, dit aussi Adam et Ève, 1909 – huile sur toile, 162 × 131 cm – Paris, Centre Pompidou, Musée national d’art moderne et L’Avenir dévoilé ou La Tireuse de cartes, 1912 – huile sur toile, 130 × 163 cm – Genéve, Association des Amis du musée du Petit Palais
Copyright : © Centre Pompidou-Metz / Photo Marc Domage / 2023 / Exposition Suzanne Valadon. Un monde à soi

En 1909, Suzanne Valadon entre dans l’histoire en dévoilant au Salon d’Automne sa vision d’Adam et Ève, la toile qui ouvre l’exposition. Ainsi, elle est la première femme à représenter un nu masculin, celui de son mari André Utter, à ses côtés. Le nu est au cœur de son œuvre, à l’instar notamment de ceux de jeunes filles à la toilette qui, s’ils avaient été réalisés aujourd’hui feraient scandale. Pourtant, il s’en dégage une douceur de vivre bouleversante.

Vue de l’exposition Suzanne Valadon – Un monde à soi au Centre Pompidou Metz © Benoit Gaboriaud

En 1923, Suzanne Valadon rompt avec le nu et peint sa Joconde : La chambre bleue (1923), une figure de la femme moderne, en pantalon et cigarette à la bouche. Cette toile féministe avant l’heure montre que l’artiste était à bien des niveaux en avance sur son temps. Elle meurt précipitamment en 1933, laissant derrière elle près de 500 toiles. Une exposition d’une telle envergure ne lui avait pas été consacrée en France depuis celle de 1967 au Musée national d’art moderne. Raison de plus pour faire le déplacement jusqu’au Centre Pompidou Metz !

Exposition Suzanne Valadon – Un monde à soi, au Centre Pompidou Metz jusqu’au 11 septembre 2023.
Informations pratiques : https://www.centrepompidou-metz.fr/fr

Pour en savoir plus sur l’exposition découvrez notre balade photographique ci-dessous, bonne visite !