Roméo et Juliette mis en lumière par Thomas Jolly : un brin queer !

Le metteur en scène en vogue Thomas Jolly ressuscite Roméo et Juliette à l’Opéra Bastille : une proposition, baroque et pailletée, flamboyante !

ROMÉO ET JULIETTE by Gounod (Benjamin Bernheim, Maciej Kwaśnikowski, Huw Montague Rendall)

Après son Eliogabalo de Cavalli en 2016, Thomas Jolly signe sa deuxième collaboration avec l’Opéra national de Paris. Pour l’occasion, le metteur en scène en vogue, auréolé de deux Molière en 2023 pour sa version de Starmania, a jeté son dévolu sur le Roméo et Juliette de Charles Gounod. Créé pendant l’Exposition universelle de 1867, cet opéra en langue française a fait partie du répertoire de l’institution jusqu’en 1985. Depuis : silence radio ! Pari audacieux, Thomas Jolly insuffle un nouveau souffle au couple mythique, un des plus célèbres de l’histoire de l’art ! Gravé dans le marbre, le dénouement est connu de tous mais quelques détails de l’histoire varient en fonction des versions. Le metteur en scène a choisi de situer à nouveau l’action à l’époque où la peste faisait rage, comme dans la pièce de Shakespeare. Ainsi, Frère Jean, confiné par les inspecteurs, comme tout un chacun en 2020, ne peut avertir Roméo que Juliette n’est pas morte, mais endormie. Un événement qu’avait gommé Charles Gounod, mais que Thomas Jolly a souhaité reprendre, en écho à la crise de Covid-19 !

ROMÉO ET JULIETTE by Gounod (Elsa Dreisig, Benjamin Bernheim)

Mais l’Opéra débute dans la joie et la bonne humeur, par une fête grandiose qui ici se déroule dans un monumental escalier évoquant celui du Palais Garnier, unique décor tournant. Vêtus de costumes baroques et pailletés, les invités y pratiquent le waacking, une danse afro-américaine issue des clubs homosexuels des Etats-Unis dans les années 1970. D’ailleurs, Mercutio donne à Roméo un baiser furtif et enjoué, un geste anecdotique mais ambigu, et probablement politique. Aussi, la scène la plus poignante et la plus spectaculaire est probablement celle de la mort de cet ami, sûrement aussi parce qu’elle est moins célèbre que le final, forcément sans surprise. Le couple de chanteurs, formé par Elsa Dreisig et Benjamin Bernheim, est vocalement exceptionnel, mais leur jeu durant cet acte, trop dans la retenu, manque de poigne. Fait rare à l’Opéra Bastille, le quarantenaire, soutenu par Antoine Travert, signe, à coups de projecteurs puissants, un clair-obscure magnifique : une mise en lumière flamboyante, à l’image de celle de Starmania (Thomas Dechandon) qui a fait grand bruit ! Moderne, respectueux de la partition originale et un brin queer, le mythe de Roméo et Juliette, sous la houlette de Thomas Jolly, reprend vie !

ROMÉO ET JULIETTE by Gounod (Elsa Dreisig, Benjamin Bernheim) – “Console-toi, pauvre âme”

Roméo et Juliette de Charles Gounod, dans une nouvelle mise en scène de Thomas Jolly, du 17 juin au 15 juillet 2023 à l’Opéra Bastille.