Revisiter un classique, surtout quand il est écrit dans la langue de Molière, est un exercice périlleux. Le metteur en scène David Bobée, en adaptant Dom Juan ou Le Festin de Pierre écrit par Molière, s’en sort bien et parvient à séduire.
« En relisant Dom Juan, j’ai réalisé que chaque scène qui compose cette pièce représente quelque chose contre lequel je lutte depuis toujours ». A partir de ce constat, le metteur en scène David Bobée se lance dans l’adaptation de ce classique de Molière tout en s’interrogeant : « faut-il déboulonner les statues dont les histoires nous encombrent au XXIe siècle ? ». A contre courant du mouvement #metoo, (son) Dom Juan est bien plus qu’un mâle alpha, il est aussi bisexuel par intérêt, anticléricalisme affirmé ou manipulateur peu convaincant, bref plus pathétique que séducteur, malgré son assurance et son physique avantageux. D’ailleurs, lorsqu’il rage de devoir se séparer d’elle, Elvire lui reproche son mauvais jeu d’acteur, à l’opposé de celui de Radouan Leflahi (en Dom Juan) qui en dévoile un remarquable.

L’acteur charismatique occupe tout l’espace et virevolte de statue en statue, ornant la scène. La plus monumentale représente le dieu grec Ilissos, initialement située à l’ouest du fronton du Parthénon. Cette ruine n’a plus de tête, de bras, de sexe mais encore ses couilles, à l’image de Dom Juan qui dans un final crépusculaire veut bien faire vœux d’hypocrisie, comme tout un chacun, pour défendre son statut.

Résolument ambiguë et complexe, la figure de Dom Juan est, dans cette adaptation, magnifiée dans des tableaux flamboyants, comme celui dans lequel Dom Juan et Elvire apparaissent en ombres chinoises sur fond rouge, au sommet d’Ilissos. Des bonnes idées, comme celle-ci, David Bobée n’en manque pas. Et, il en fallait pour dépoussiérer ce vieux texte long et éculé mais finalement totalement dans l’air du temps.

Dom Juan ou Le Festin de Pierre de Molière. Adaptation et mise en scène David Bobée. A voir à La Villette jusqu’au 2 avril puis en tournée dans toute la France.