Après avoir fait sensation au dernier festival d’Avignon, « Le moine noir » investit le Théâtre du Châtelet le temps d’un show total mais inégal !
Après « La Femme de Tchaïkovski » applaudi à Cannes au printemps dernier et « Der Freischütz » monté à Amsterdam, le réalisateur russe Kirill Serebrennikov, particulièrement prolifique mais menacé dans son pays, présentait à Avignon cet été sa toute nouvelle création « Le moine noir », inspiré d’une nouvelle fantastique d’Anton Techkhov. Saluée par la critique, cette longue pièce fait escale au Théâtre du Châtelet (Théâtre de la Ville hors les murs), pour trois représentations, avant de partir en province.

Véritable cheminement vers l’antre de la folie, l’œuvre est partagée en quatre actes qui se répètent, à l’image des hallucinations de moines que subit Andreï Kovrine, le personnage central. Surnommé le génie de par sa culture, l’intellectuel surmené sombre dans la folie qu’il pense être un pont formidable vers la liberté, peut-être même le seul qui existe ! A chaque fois que l’histoire se reproduit sous un nouvel angle, Andreï Kovrine se multiplie. Les personnages se dédoublent, se parlent entre eux, nous parlent. Tout cela devient bien complexe mais finalement passionnant, après un début ennuyeux.

Le premier acte est assez linéaire. Andreï Kovrine vient se reposer à la campagne chez le vieil homme qui l’a élevé. Il épouse sa fille mais devient obsédé par une légende : dans le dessert, des bergers auraient vu un moine noir marcher à l’horizon. Un mirage en aurait fait apparaître un second, puis un troisième, puis toute une horde. S’élevant dans l’atmosphère, ils se seraient répandus sur la planète, jusque devant Andreï. Au bout du rouleau, le jeune homme n’a aucun doute. Il est l’élu.

Stylisée et inventive la mise en scène folle de Kirill Serebrennikov sert parfaitement le propos qui manque toutefois un peu d’analyse psychologique. Savant mélange de théâtre, de danse, de cinéma et d’opéra, le show est assez inégal comme le jeu des acteurs parfois un peu excessif. On se serait bien passé des chants des moines, dont la performance vocale évoquent celle d’une secte lambda. Mais cette métamorphose du conte fantastique d’Anton Techkhov en drame métaphysique contient quelques beaux moments suspendus, comme les scènes de danse !
Le moine noir de Kirill Serebrennikov d’après Anton Tchekhov au Théâtre du Chatelet (Théâtre de la Ville hors les murs) du 16 au 19 mars 2023, puis en tournée en France.