Figure centrale de la famille Manet, Julie Manet naît à Paris le 14 novembre 1878 de l’union de Berthe Morisot et Eugène Manet, le frère d’Édouard Manet. En 1900, elle épouse le peintre Ernest Rouart. L’arbre généalogique de l’artiste est totalement ancré dans l’impressionnisme et la peinture. Héritière du style de sa mère mais aussi d’une collection impressionnante, elle est celle autour de qui le monde artistique gravite. Aujourd’hui, le musée Marmottan Monet lui consacre une exposition, « Julie Manet – Mémoire de l’impressionnisme », réunissant plus de 100 chefs-d’œuvre.

Marianne Mathieu, Historienne de l’art et Directeur scientifique du musée Marmottan Monet, nous présente trois tableaux emblématiques de l’exposition qui illustrent parfaitement l’histoire de Julie Manet.

Berthe Morisot – Jeune Fille au lévrier ou Julie Manet et sa levrette Laërte, 1893.
Marianne Mathieu : « Berthe Morisot peint « Julie Manet et sa levrette Laërte » en 1893. Elle vient de perdre son mari Eugène Manet et Julie porte dans le tableau une robe noire, signe de deuil. Depuis qu’elle est orpheline de père, à l’âge de 16 ans, un homme entre dans sa vie, le poète Stéphane Mallarmé. Ses parents l’avaient choisi dès sa prime enfance pour qu’il joue le rôle de subrogé tuteur. Il est l’homme qui doit veiller à ce que l’administration des biens de l’enfant et ses intérêts soient protégés. Que fait-il pour sa pupille ? Il lui offre un lévrier qu’il nomme Laërte, un personnage tiré de la pièce d’« Hamlet ». Laërte est pour Mallarmé le symbole du dévouement aux autres, c’est donc un gardien qu’il offre à Julie Manet. Ce tableau renferme une autre histoire. Lorsque Berthe Morisot est sur son lit de mort, elle écrit une lettre pour sa fille dans laquelle elle lui dit : « Tu diras à Mr. Monet de choisir une œuvre en ma mémoire ». Claude Monet choisit cette toile. La famille Monet la lègue au musée Marmottan Monet, signe de cette famille impressionniste qui évolue autour de Julie Manet. »

Édouard Manet – L’enfant aux cerises, 1858
Marianne Mathieu : « Ce tableau d’Édouard Manet date de 1858, c’est une œuvre de jeunesse qui représente un enfant souriant, qui porte une toque rouge, qui est accoudé sur un muret et qui tient une poignée de cerises. C’est une toile extrêmement vivante et lumineuse, pourtant Berthe Morisot, qui la reçoit au moment du décès de son beau-frère, la critique. Elle dit : « Ce tableau qui a beaucoup de succès et pourtant médiocre, je vais m’en séparer ». C’est très surprenant car cette toile est reconnue comme étant un des chefs-d’œuvre de jeunesse de Manet et elle ne se sépare jamais des tableaux qui figurent dans sa collection. Alors pourquoi ? Le petit modèle immortalisé ici par Manet s’est tragiquement pendu dans l’atelier de l’artiste en 1860, alors qu’il n’avait qu’une dizaine d’années. Ce souvenir insoutenable n’autorisait pas Berthe Morisot à conserver ni exposer dans son intérieur ce qui est une des grandes tragédies de son existence. »

Julie Manet – Portraits de Jeannie au piano et de Paule l’écoutant, 1899
Marianne Mathieu : « Ce tableau représente sa cousine Jeannie qui est quasiment sa jumelle. Elles ont le même âge. On y voit aussi son autre cousine Paule qui est peintre et qui veille sur elle. Elle est de 10 ans son aînée. Julie Manet reprend les tonalités argentins qui sont le propre de l’œuvre de sa mère. Dans l’appartement de la rue Villejust, Jeannie joue au piano sur lequel est posé un vase derrière lequel on voit une toile, « Jeune femme dans le jardin » d’Edouard Manet son oncle. »

Julie Manet – Mémoire de l’impressionnisme au musée Marmottant Monet jusqu’au 20 mars 2022.
Plus d’informations : http://www.marmottan.fr
Pour aller plus loin, le catalogue de l’exposition « Julie Manet – Mémoire de l’impressionnisme »

Pour en savoir plus, nous vous conseillons de vous plonger dans le catalogue de l’exposition, véritable bible de l’impressionnisme. Il a été réalisé sous la direction de Marianne Mathieu que nous avons interviewée. Ces 324 pages renferment plus de 250 illustrations et un éclaircissement sur ce beau monde qui gravitait autour de Julie Manet, à savoir Berthe Morisot, Edouard Manet, Auguste Renoir, Claude Monet, Edgar Degas, Paul Valéry, Ernest Rouart…

Julie Manet – La mémoire impressionniste
Format : 22 x 28,5 cm – Pages : 324 Illustrations : 250 – Prix : 45 € – Editeur : Hazan
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