Après « La Dame Blanche », un ouvrage poétique et bouleversant sur la fin de vie en Ehpad, Quentin Zuttion revient avec « Toutes les princesses meurent après minuit », un roman graphique lumineux sur les premiers émois et les désillusions. Le petit Lulu, héros qui tient autant de l’enfant qu’était son créateur que du personnage éponyme de « L’Effrontée », est tiraillé entre la masculinité de son ami Yoyo ou celle de son père et la féminité de ses poupées ou des princesses des contes, en lesquelles il s’identifie naturellement. Son choix est fait, il est l’heure des aveux ! En 24 heures, par une belle journée d’été ensoleillée, le jour de l’accident mortel de Lady Di et sur les rythmes de « Freed from desire », sa maison ordinaire de province et ses habitants vont être frappés par les douze coups de minuit. Un cap à franchir, rien de plus, c’est la vie ! Et de la vie « Toutes les princesses meurent après minuit » n’en manque pas ! Quentin Zuttion la sublime sans pareil. Nous avons eu l’occasion de le rencontrer pour revenir sur ce magnifique album, un chef-d’œuvre de délicatesse.

On retrouve dans « Toutes les princesses meurent après minuit » ton thème de prédilection, celui de la métamorphose, du changement. Quelle était l’idée de départ ?
Quentin Zuttion : « Je voulais que ce soit une lecture estivale, douce mais avec des moments difficiles, ceux que nous avons tous connus, faits de petites déceptions qui paraissent immenses sur le moment mais qui ne scellent pas notre existence. »
L’été, la chaleur, les enfants qui se taquinent… l’atmosphère de « Toutes les princesses meurent après minuit » évoque celle du film « L’Effrontée » de Claude Miller avec Charlotte Gainsbourg, est-ce volontaire ?
Quentin Zuttion : « Complètement ! J’ai appelé le personnage principal Lulu en hommage à la petite Lulu de « L’Effrontée ». C’est une gamine du village que Charlotte (Gainsbourg) considère comme sa petite sœur. Son attitude, son ton… je me retrouvais beaucoup en elle quand j’étais petit, même si j’ai découvert ce film à l’adolescence. J’ai adoré cette ambiance. Les dialogues sont incroyables. A ce niveau, c’est peut-être mon film préféré. Je souhaitais avoir le même type de dialogue, ce tac ou tac percutant ! Genre, on s’envoie plein de vacheries mais en vrai on s’aime. Avec ma grande sœur, j’avais aussi ce genre de rapport, cet amour vache. »

« Toutes les princesses meurent après minuit » est très cinématographique, as-tu déjà pensé à une adaptation ?
Quentin Zuttion : « J’ai gardé les droits d’auteur. J’aimerais que ce soit adapté mais par moi [rires] et avec Charlotte Gainsbourg. Il faut savoir que Charlotte Gainsbourg est dans les remerciements du livre alors qu’elle n’y a pas collaboré. Je l’adore ! Charlotte, appelle moi ! »
« L’Effrontée » n’est pas la seule référence cinématographique ?
Quentin Zuttion : « Non ! On peut aussi retrouver un peu de « Les Goonies » ou de « Stand by me », toute cette quête adolescente ! Dans « Stand by me », quatre potes d’une dizaine d’années partent à la recherche d’un cadavre. On sait qu’ils vont y arriver mais ce qui est intéressant, c’est comment ils vont y arriver et ce qui se passe entre eux pendant tout ce temps là. »

Le récit se déroule pendant l’été 97, l’année du tragique accident mortel de Lady Di et donc celui de la mort d’une princesse.
Quentin Zuttion : « Je voulais que cet événement soit en toile de fond. Je trouvais ça intéressant sur le plan narratif. J’aime bien me concentrer sur le particulier quand il se passe quelque chose de très important dans le monde. Finalement, le drame de Lady Di n’affecte que très peu cette famille, mais c’est là ! Tout le monde se souvient où il était, de ce qu’il faisait au moment où il a appris la nouvelle. Moi non car j’étais trop jeune. J’avais sept ans mais je me rappelle avoir regardé les funérailles à la TV. L’image de cette foule en délire m’avait marqué. Voilà ce qui se passe quand une princesse meurt ! Aussi, il y a des liens entre Lady Di et les personnages, entre le drame amoureux de la princesse et celui de la mère de Lulu. Il y a finalement quatre princesses dans le livre : Lady Di, la maman, Cam et le petit Lulu et même toutes les petites poupées… elles vont toutes connaître un drame après minuit ! »
Autre référence, Cam, la sœur de Lulu, écoute le tube eurodance de l’époque « Freed from Desire » de Gala, ce n’est pas innocent ?
Quentin Zuttion : « « Freed from Desire » signifie « Libéré du désir », je ne pouvais pas trouver meilleure chanson pour mes personnages [rires]. »

« Toutes les princesses meurent après minuit » se déroule en 24 heures dans un huis clos, celui de la propriété des parents de Lulu, est-ce que cela a été compliqué à mettre en place ?
Quentin Zuttion : « Au départ, je me suis dit que l’unité de lieu et de temps allait être facile à écrire, mais en fait ça a été un casse-tête car plein de choses se passent au même moment. Il faut qu’on comprenne que Cam est en train de bronzer dehors, pendant que la maman se dispute avec son mari dans la cuisine, pendant que Yoyo et Lulu s’embrassent presque sur l’allée du garage. Ça se passe vraiment comme ça dans les maisons. Nous sommes tous très proches mais personne ne sait ce que l’autre est en train de vivre. Je trouve ça intéressant que le lecteur soit omniscient de tout ce qui se passe. Seul le lecteur sait tout ! »
Lulu est assez proche de toi, est-ce que la question de l’autobiographie s’est posée ?
Quentin Zuttion : « Une auto-fiction, ça me va très bien car j’aime bien exagérer et mentir un peu. Et puis l’album se passe en 24h, heureusement pour moi, ça a été beaucoup plus étalé dans le temps ! »
On s’attache énormément au personnage de Lulu, on a envie de le retrouver plus tard, nous donneras-tu cette occasion ?
Quentin Zuttion : « Non ! Il va en chier mais ça va aller ! Sa sœur lui dit d’ailleurs. »
Toutes les princesses meurent après minuit – Scénario et dessin : Quentin Zuttion – Pages : 152 – Prix : 19,99 € – Editeur : Le Lombard


