Acteur emblématique de la série culte « Dix pour cent », Nicolas Maury dévoilait en 2020 son premier film « Garçon chiffon », le montrant enfant en train de chanter du Vanessa Paradis devant la glace et se clôturant par « Garçon Velours », une chanson signée Olivier Marguerit mais qu’il interprétait lui-même. Une manière pour l’artiste de nous mettre la puce à l’oreille ?

Fort de cette expérience et d’une période de réflexion forcée, celle des confinements, Nicolas Maury offre à son arc une nouvelle corde dite « vocale ». A travers son premier album « La porcelaine de Limoges », le comédien se fait chanteur et dresse son portait romanesque et fantasmé, évoquant un tableau clair-obscur de la renaissance. Nous sommes allés à sa rencontre pour en percer les mystères.

Pourquoi avoir choisi « La porcelaine de Limoges », un symbole à la fois fragile et solide, comme titre de ton premier album ? Ayant grandi à Saint-Yrieix-la-Perche, près de Limoges, est-ce aussi un clin d’œil à tes origines ?
Nicolas Maury : « Tu as déjà répondu [rires]. Comme pour toute figure poétique, c’est plus élégant de laisser les autres deviner. Visuellement, j’avais en tête cette idée du portrait avec comme titre « La porcelaine de Limoges », comme pour les tableaux dans les musées. Donc là, le titre de mon tableau, de ma pochette d’album, est « La porcelaine de Limoges », mais on y voit un garçon habillé en robe. On s’interroge. Est-ce vraiment lui la porcelaine de Limoges ? C’est un mystère ! Mais en même temps, je dis de manière très transparente dans la chanson « Porcelaine de Limoges » qu’il y a chez moi ce côté très terrien de la porcelaine, faite d’argile blanche le kaolin, et cet autre côté esthétique, décoratif, fragile, ouvragé, du service à thé par exemple. Ce trajet entre le sol et cet objet d’apparence superflue me plait et me ressemble assez. Pourquoi choisir l’un ou l’autre ? »
As-tu imaginé cet album comme un portrait de toi, juste ou fantasmé ?
Nicolas Maury : « J’ai écrit certains textes, d’autres pas. C’est donc aussi un portrait de moi fantasmé par les autres. Dans « Vers les falaises », je me mets à nu, à tel point que cette chanson me fait rougir quand je l’entends. Je suis aussi un interprète, donc même si j’avais repris des textes de Shakespeare, j’aurais fait croire qu’ils étaient de moi, comme Isabelle Adjani quand elle chante « Pull Marine », on croit que ce sont ses mots. »
Vous avez écrit cet album à trois mains, la tienne et celles d’Olivier Marguerit et de sa compagne Shanti Masud. Connu aussi sous le pseudonyme O, Olivier Marguerit, qui avait également réalisé la B.O. de « Garçon chiffon », a réalisé et composé l’album. L’ouverture laisse toute la place à un ensemble de cordes. Es-tu particulièrement sensible à ces instruments ?
Nicolas Maury : « Les cordes me touchent particulièrement, elles me font vibrer ! J’ai assisté à l’enregistrement des cordes, c’était magnifique. Je m’en souviendrai toute ma vie. Parfois, les musiciens issus de la musique classique prennent un air un peu blasé quand ils viennent enregistrer de la pop. Ils le disent eux-mêmes. Je ne dis pas ça pour me la péter, mais ils étaient très heureux d’enregistrer ce disque car ils ont bien compris qu’ils étaient importants dans ce projet, que je comptais sur eux pour donner une âme à certaines chansons. Ces cordes ne sont pas du tout décoratives, elles me ressemblent beaucoup. « Promesse », qui est avant « Prémices » dans l’album, a été vraiment rêvée comme une ouverture d’Opéra ou de film noir. Avec Olivier, nous les avons imaginées sensuelles, délicates, très ouvragées, il y en a parfois presque trop, mais je les assume à chaque fois. »
L’album est très varié, mélancolique évidemment mais aussi très enlevé, très dansant.
Nicolas Maury : « Au moment de l’élaboration, j’étais très gourmand. Quand j’avais un style de chanson, je voulais autre chose. Olivier Marguerit me disait qu’il ne fallait surtout pas que des chansons mélancoliques, car je n’étais pas que ça. Nous avons donc pensé à des chansons plus « up tempo ». Dans ce style, « Gentleman » est la première qui est arrivée. Mais ce côté plus joyeux, plus « on lâche les chevaux », me demande aussi plus de travail pour le live. »
Dans ton album, il y a plein d’images, photographiques voire cinématographiques, comme ce garçon nu sous son blouson noir. Il y a un côté « esthète ».
Nicolas Maury : « Le mot esthète me gêne un peu, mes chansons sont ancrées dans le réel. Je n’évoque pas mais convoque des histoires de garçons vers des garçons. Il s’agit de déclarations d’amour frontales qui ne sont pas si esthétisantes. Certaines chansons ont été conçues comme des microfilms. Elles ont été écrites généralement par Shanti Masud qui est une femme qui aime les hommes. Je porte dans ces chansons son fantasme. »

Juste par des noms de rues, Paris est souvent présente dans l’album, tu lui dédies même une chanson entière. Quel est ton rapport avec cette ville ?
Nicolas Maury : « Tout contre. Paris est comme une personne qu’on questionne parce qu’on la respecte. On ne la questionne pas pour la quitter mais pour savoir où on en est dans la relation. « Porcelaine de Limoges » raconte ma vie de mes 4 ans à mes 20 ans, « Paris » en est la suite, jusqu’à aujourd’hui. Il y a une forme d’usure comme dans les couples qui prennent de l’âge. Ce n’est pas une rupture, juste un questionnement, une mise au point. Je me demande si on a encore de belles années devant nous. »

Tu es acteur, réalisateur et maintenant chanteur. Aimerais-tu donc réaliser une comédie musicale ?
Nicolas Maury : « C’est dommage que Jacques Demy ne soit plus là, j’aurais adoré travailler pour lui. Il faudrait danser en plus. Ça m’intéresserait énormément. Mon live est conçu un peu comme ça. Dans mon prochain film et dans la série que je vais réaliser, il y aura des moments chantés. »
Quelle est la question que tu aurais aimé que je te pose ?
Nicolas Maury : « Est-ce que tu t’imagines dans dix ans, ayant fait quatre albums ? La réponse est oui. »

La porcelaine de Limoges, le premier album de Nicolas Maury