Une Fille de madame Angot féministe bienvenue à l’Opéra Comique 

L’Opéra comique dévoile une Fille de madame Angot féministe haute en couleur et ravive à merveille le chef-d’œuvre de Charles Lecocq (1832-1918).

La Fille de Madame Angot, les extraits

L’Opéra Comique ne manque pas d’audace ! Après une Carmen dont Andreas Homoki soulignait le féminicide, la salle Favart dévoile une Fille de madame Angot au dénouement engagé, avec en toile de fond mai 68 ! Un joyau plein de fantaisie signé Richard Brunel, directeur de l’Opéra national de Lyon.

La Fille De Madame Angot © Jean-Louis Fernandez

Absente des théâtres parisiens en version scénique depuis 1986, l’opérette en trois actes et à succès de Charles Lecocq, héritier d’Offenbach, fait son retour en fanfare à l’Opéra Comique. Enjouée, l’œuvre de Charles Lecocq est beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît et se révèle d’une surprenante modernité. Dans la version originelle, le récit se déroule sous le Directoire à un moment où les nostalgiques de l’Ancien Régime et les partisans de la République s’opposent. Fille de l’énigmatique Mme Angot, la porte‑parole poissarde des parisiens pendant la Révolution, Clairette, élevée par les Forts et les Dames de la Halle, est promise au benêt perruquier Pomponnet, mais la jeune femme, pleine de fougue, en aime un autre : le chansonnier royaliste Ange Pitou (1767-1846) qui s’amourache lui de la belle actrice Mademoiselle Lange (1772-1825), favorite officielle de Paul Barras (1755-1829) mais amante du financier Larivaudière. Forcément, un tel imbroglio sera le fruit d’une myriade de rebondissements ! Ce vaudeville rocambolesque et politique mêle personnages fictifs et réels : Mademoiselle Lange, Paul Barras et Ange Pitou ont bien existé ! 

La Fille De Madame Angot © Jean-Louis Fernandez

En transposant l’histoire en mai 1968, au cœur d’une usine automobile (un décor de trois étages impressionnant) et du Cinéma Odéon, Richard Brunel fait de La Fille de madame Angot une fresque sociale engagée qui fait écho à l’Inflation actuelle. Dans son feu d’artifice coloré et flamboyant se dessine le portrait d’une jeunesse combative, éprise de vérité et de liberté. Tou commence par un Fort qui tague sur un mur ces mots : « Prenez vos désir pour des réalités ». Le ton est donné. En grande partie respectueux du livret de Clairville, Paul Siraudin et Victor Koning, Richard Brunel s’en éloigne toutefois pour proposer un dénouement dans l’air du temps, par l’intermédiaire de pancartes révolutionnaires. Manipulée par les hommes, sa Fille de madame Angot finit par s’en affranchir dans un final jouissif. Masques mexicains, costumes flashy, hommage aux Demoiselles de Rochefort… la version de Richard Brunel ne manque pas de fantaisie et permet de (re)découvrir cette partition enthousiasmante truffée de chœurs énergisants, magnifiée par un casting et une direction musicale (Hervé Niquet) hors pair.

La Fille De Madame Angot © Jean-Louis Fernandez

La Fille de madame Angot à l’Opéra Comique jusqu’au 5 octobre 2023.

Direction musicale : Hervé Niquet – Mise en scène : Richard Brunel – Avec Hélène Guilmette, Véronique Gens, Pierre Derhet, Julien Behr, Matthieu Lécroart, Floriane Derthe, Ludmilla Bouakkaz, Antoine Foulon, Geoffrey Carey, Matthieu Walendzik, François Pardailhe – Orchestre de chambre de Paris – Chœur Le Concert Spirituel.