Auteur du culte « Le Petit Lulu », roman graphique autobiographique, Hugues Barthe agrémente « Hugo est gay, Dans la peau d’un jeune homo », paru en 2006, d’un nouveau personnage venu de 2021. Par ce biais, il réactualise son ouvrage daté, mais encore nécessaire.

Hugo est un collégien des années 2000 qui essaie de se convaincre qu’il n’est pas homo. En proie aux doutes, il ne sait vers qui se tourner, jusqu’au jour où un jeune adolescent venu de 2021 l’aide à comprendre son orientation sexuelle. Nous sommes allés à la rencontre de Hugues Barthe pour parler de cette nouvelle édition, de l’accueil du livre à l’heure des réseaux sociaux, du choix de la fiction et du petit Lulu.
Pourquoi avoir voulu rééditer « Hugo est gay, Dans la peau d’un jeune homo » dont l’action initiale se passe en 2000 ?
Hugues Barthe : « Je me suis rendu compte que la première version était déjà complètement datée et dépassée. Les mœurs ont vraiment évolué très vite depuis 2006. Les jeunes, homo ou hétéro, sont nettement plus à l’aise sur le sujet. A l’époque, homosexualité était nettement plus cachée, il y avait peu de séries ou de films qui abordaient le sujet. Dans le récit initial, j’ai rajouté un nouveau personnage qui vient de futur, un homo des années 2021. J’ai voulu me replonger dans cet album aussi parce que graphiquement certains éléments ne me plaisaient plus. Cette nouvelle version a donc été l’occasion de redessiner des pages ou des cases, mais je n’ai pas touché aux dialogues ».

Vous avez déjà abordé votre homosexualité dans « Le Petit Lulu », pourquoi avoir choisi la fiction pour « Hugo est gay » ?
Hugues Barthe : « Pour « Hugo est gay », j’ai choisi la fiction, mais l’autobiographie ne me fait pas peur. J’ai publié trois romans graphiques autobiographiques, « Le Petit Lulu » qui parlait déjà d’homosexualité. C’était le livre des trois premières fois : le premier travail, la première mort, celle de ma mère, et la première passion érotique, le petit Lulu donc ! J’y racontais l’année de mes 25 ans. « L’été 79 » et « L’automne 79 » sont aussi deux ouvrages totalement autobiographiques consacrés à mes 14 ans. J’y parlais de mon père qui était alcoolique et violent, un tout autre sujet. J’aime me consacrer à l’autobiographie quand le sujet est dérangeant, même pour moi. Je pense qu’un livre autobiographique est bon à partir du moment où je ne pourrai pas le donner à lire à ma mère, même si elle est décédée. Pour écrire la première version de « Hugo est gay », j’ai demandé à plusieurs personnes de me raconter leur coming out. J’ai recueilli plein d’anecdotes à partir desquelles j’ai créé un personnage. Toutes les petites histoires que je raconte sont vrais. Pour Augustin, le nouveau personnage venu de 2021, je me suis inspiré des jeunes que je côtoie. J’anime plusieurs ateliers d’écriture et certains jeunes ont voulu travailler sur leur coming out ou leur homosexualité, alors qu’ils avaient 14 ans. J’ai été étonné par leur facilité à aborder le sujet. Il y a 15 ans, ce n’était pas le cas. Je m’en suis inspiré. « Hugo est gay » est finalement un voyage dans le temps, on y trouve 3 personnages homo de différentes époques : le jeune de 2021, Hugo de 2000 et aussi un inverti des années 50. Plusieurs générations de gay y sont représentées ».

L’accueil de le BD a-t-il était meilleur en 2006 ou aujourd’hui ?
Hugues Barthe : « En 2006, les réseaux sociaux n’étaient pas encore influents. Mais pour la sortie de cette nouvelle version, je n’ai pas eu de retours négatifs ou de remarques désobligeantes, ce qui est plutôt positif. J’aurais bien aimé toucher les adolescents, mais les lecteurs sont plutôt de jeunes adultes. Je travaille souvent avec des collèges. La première version avait été achetée par plusieurs CDI, là moins. Aujourd’hui, j’ai senti que les professeurs étaient beaucoup plus frileux et n’avaient plus envie de parler de ce genre de livre. Je leur ai pourtant expliqué que c’était important d’aborder le sujet car il y avait encore des agressions et certains jeunes gay ont toujours des histoires difficiles. Les professeurs ont peut-être peur d’en parler à cause de l’assassinat de Samuel Paty, même si c’est un autre sujet .
Est-ce que le projet de « Hugo est gay, Dans le peau d’un jeune homo » a été facile à monter ?
Hugues Barthe : « Dans le monde de l’édition, le projet a vraiment été accueilli les bras ouverts. Un an avant, j’avais publié « Le Petit Lulu » chez Les Requins Marteaux qui parlait déjà d’homosexualité. Tout mes projets « gay » ont été vraiment bien reçus. La censure à l’époque venait davantage des auteurs. Mais au début des années 90, Fabrice Néaud publiait « Le Journal », son journal intime en quatre tomes. Il y racontait son quotidien de gay à Angoulême, dans une petite ville de province. C’était très riche et sensible ». Ce roman graphique a ouvert la porte à d’autres projets comme « Hugo est gay, Dans la peau d’un jeune homo ».
Hugo est gay, Dans la peau d’un jeune homo – 112 pages – 16 € – La Boîte à Bulles