Avec « Ces jours qui disparaissent » paru en 2017, Timothé Le Boucher s’est imposé comme un auteur de BD incontournable. Dans « 47 cordes », son nouvel album, le jeune homme poursuit sa réflexion sur le rapport entre l’identité et le corps, sous forme de thriller psychologique captivant !
Dans la lignée de « Ces jours qui disparaissent » et « Le Patient », « 47 cordes », conçu en deux parties, raconte l’acharnement d’une métamorphe pour séduire Ambroise, un jeune harpiste au physique d’Apollon à la fois antipathique et particulièrement envoutant. L’auteur y aborde des thèmes qui lui sont chers comme l’obsession, l’identité sexuelle ou l’altérité. Nous avons eu l’occasion d’en parler avec lui.

Comme dans « Ces jours qui disparaissent », il est question dans « 47 cordes » de l’évolution du corps chez un individu, c’est un thème qui t’obsède ?
Timothé Le Boucher : « ll y a une filiation entre « Ces jours qui disparaissent », « Le Patient » et « 47 cordes ». J’ai commencé à en parler dans « Ces jours qui disparaissent ». Pour cet album, j’ai exploré plusieurs pistes, mais j’ai dû en laisser de côté car elles n’étaient pas forcément pertinentes. Du coup, j’ai continué mon exploration dans les albums suivants, « Le Partient » et « 47 cordes ». Dans ce dernier, le fait d’avoir un personnage qui se transforme m’a permis d’aborder plein de thématiques autour du corps. La métamorphe n’a pas de couleur de peau ou de genre. Elle ne subit pas de discrimination physique puisqu’elle peut en changer. Pour créer un contraste avec cette créature fantastique, j’ai construit plusieurs personnages qui eux sont enfermés dans leur corps. Le sujet de la métamorphe est aussi idéal pour parler de l’identité sexuelle. Je dit souvent « elle » pour en parler car mon personnage s’identifie plus a une femme, mais elle est comme un auteur de BD qui crée des personnages, qui se met à leur place et qui les fait parler. Pour les métamorphes, la question de l’identité ne se pose pas puisqu’elles peuvent en changer comme nous nous changeons de vêtements. Ces questions là seront abordées de manière plus frontale dans la deuxième partie. »

A travers le thème de l’identité, tu parles aussi de l’importance du corps dans la séduction.
Timothé Le Boucher : « Juste après « Ces jours qui disparaissent », ma coloc était sur Tinder, elle swipait les garçons. Certains avaient l’air sympa et pouvaient lui correspondre de part leur personnalité mais leur physique ne l’intéressait pas. Je me suis demandé ce qu’il se passerait si un de ces garçons pouvait changer son physique. Cela pourrait donner lieu à une histoire d’amour incroyable. Cette réflexion m’a donné l’idée d’un personnage qui se transforme jusqu’à pouvoir séduire la personne qu’il souhaite. »

Il y a dans « 47 cordes » une scène de bal masqué mystérieuse et décadente qui évoque celle de « Eyes Wide Shut » de Stanley Kubrick.
Timothé Le Boucher : « J’ai vu ce film quand j’avais une dizaine d’années comme « Salò ou les 120 Journées de Sodome » de Pier Paolo Pasolini qui ne sont pas vraiment des films pour enfant, mais je faisais tout pour essayer de les voir. Je n’étais pas en âge de tout comprendre mais cela m’intéressait. Je les ai revus plus tard et j’adore « Eyes Wide shut ». Dans l’album, il y a une fête masquée assez obscure, avec toute une imagerie hédoniste et décadente, qui peut faire référence au film. On peut en voir d’autres plus ou moins directes. »

Le personnage d’Ambroise est vraiment mystérieux et riche. On a du mal à le cerner, il dégage une tension sensuelle troublante et en même temps de l’antipathie. Son physique évoque celui d’Apollon, t’en es-tu inspiré ?
Timothé Le Boucher : « Pour créer le personnage de Pietro, je me suis vraiment inspiré de statues grecques, il en a le profil. Pour Ambroise, je me suis surtout inspiré d’un ami d’un ami qui est harpiste et que j’avais vu répéter. Mais au début, j’imaginais Ambroise comme Thomas, son meilleur ami avec qui il fait de l’escalade. Au fil de l’écriture, Ambroise a pris les traits de cette connaissance. Il a l’air un peu méchant ou un peu froid car il a toujours les sourcils un peu froncés. A la base, il est plutôt antipathique, ça a été donc difficile de lui construire une personnalité intéressante. »
On a du mal à savoir de quel origine il est.
Timothé Le Boucher : « Alors en fait, il est turc. Ce sera dit dans le prochain tome, mais pas de manière frontale. Sa chatte s’appelle Yarime qui veut dire moitié en turc, c’est déjà un indice. Vous verrez, vous en apprendrez plus sur lui dans le prochain tome. »


