Clara Ysé :  « Oceano Nox est une quête de la lumière dans la nuit » 

Révélée en 2019 grâce à Le monde s’est dédoublé, un premier EP subtile sur le deuil, celui de sa mère, la psychanalyste et philosophe Anne Dufourmantelle, Clara Ysé poursuit sa reconstruction sur un album magnifique, Oceano Nox : un clair-obscur fascinant, d’une rare élégance.

Clara Ysé lors de notre rencontre © Benoit Gaboriaud

En deux mots, Oceano et Nox, Clara Ysé résume toute la beauté et la profondeur de son premier album, au charme désuet et à la modernité certaine. Victor Hugo les avait lui aussi utilisés pour intituler un de ses poèmes issu de son recueil Les Rayons et les ombres, paru en 1840 ! D’où viennent-ils ?

Clara Ysé : « Le titre de l’album Oceano Nox me vient d’un vers de L’Énéide de Virgile (19 av. J.-C.) que j’adore : « Et ruit Oceano Nox / Et la nuit s’élance de l’océan ». A ce moment-là, le poète aborde La Guerre de Troie, le moment où les bateaux cachés dans la mer s’apprêtent à voguer vers la cité. A mon sens, ce vers résume assez bien l’album qui traite des éléments qui se sont brisés dans notre vie et de ce que nous en faisons. Comment nous les réutilisons ? Comment nous les transformons, peut-être en d’autres choses encore plus belles ? Oceano Nox vient aussi du latin, une langue ancienne. Pourtant, je trouve que ces deux mots sonnent « futuriste ». Dans cet album, je mélange les cuivres, les cordes, les chœurs, avec des sonorités électroniques. Ce mixe m’évoque aussi les consonances rétro-futuristes d’Oceano Nox ».

Pyromanes extrait d’Oceano Nox, le nouvel album de Clara Ysé

Dans Oceano Nox, il est autant question d’eau que de feu. Le feu, on le retrouve dans la chanson Pyromanes mais aussi dans votre roman Mise à feu (Grasset, 2021). En quoi cet élément vous inspire ?

Clara Ysé : « Dans le roman et surtout dans l’album, le feu dialogue avec l’eau. L’eau symbolise ce qui me fait plonger, le feu, ce qui me ramène à la surface. Oceano Nox suit cette trajectoire. Les dimensions destructrices et régénératrices du feu m’intéressent. Le feu, c’est le Phoenix, on en renaît ».

Clara Ysé © Olivier Metzger

Dans cet album, il est question de reconstruction mais peut-être davantage du désir de la reconstruction, non ?

Clara Ysé : « Complètement, mais en même temps, le désir de la reconstruction, c’est déjà le début d’une reconstruction ».

L’Étoile extrait d’Oceano Nox, le nouvel album de Clara Ysé

Cet album m’évoque un clair-obscur, l’avez-vous imaginé ainsi ?

Clara Ysé : « C’est une quête de la lumière dans la nuit. Quand on traverse la nuit, quelles lumières nous attirent ? Les peintres, qui traitent la lumière en partant d’un fond obscur, lui donnent une texture différente. On ne la perçoit pas de la même manière. Oceano Nox, c’est ma quête spirituelle du courage et de la joie, à travers mes parts d’ombres ».

Si Oceano Nox était un tableau, pourrait-il être une œuvre de Soulage : un noir tellement intense qu’il illumine.

Clara Ysé : « Dans l’idée oui, mais mon album est quand même moins sombre qu’un Soulage dont j’admire le travail ».

Douce extrait d’Oceano Nox, le nouvel album de Clara Ysé

Un autre élément se dégage de votre univers : le cheval. On le retrouve sur votre pochette mais aussi dans le clip Douce. Quel est votre lien avec l’animal ?

Clara Ysé : « Je voulais cette pochette depuis longtemps, j’avais cette idée très précise en tête. Le cheval représente le passage, on peut aussi compter sur lui. Sur ce cliché d’Olivier Metzger, on a l’impression que le photographe m’a surprise en train de parler au cheval. Dans les textes de mon album, je fais souvent allusion au dialogue. Ce n’est donc pas innocent ».

Au cœur de cet album, il y a votre voix haute et grave, et votre phrasé particulier, un brin rétro. Quelles sont celles qui vous inspirent ?

Clara Ysé : « J’ai beaucoup écouté des voix qui cassent les codes : Nina Hagen, Nina Simone, Björk, Chavela Vargas, Mercedes Sosa… des voix qui sont liées à des musiques qu’elles défendent, généralement assez expérimentales. Ces artistes fusionnent des univers différents qui débordent des cases. Enfant, elles m’ont marquée car elles répondaient à un désir de liberté ». 

Clara Ysé © Olivier Metzger

Votre album a un léger accent baroque, vous êtes d’accord avec cette idée ?

Clara Ysé : « Oui, mais surtout dans l’étymologie du mot : « rocher granitique », dans cet aspect rêche ».

Nous aurons l’occasion de vous voir sur scène à partir du 26 septembre à Paris, quelle dimension prendra Oceano Nox ?

Clara Ysé : « Sur scène m’accompagneront Rémy, le claviériste, Ingrid et sa guitare électrique, Philippe et son approche expérimentale et atmosphérique de la batterie, et enfin Peter, un saxophoniste qui possède une technique de souffle continu. Avec cette technique, il crée une transe », un lâcher prise bienvenu ! 

Oceano Nox, le premier album de Clara Ysé