Breaking the waves, le mélo de Lars Von Trier, investit l’Opéra Comique. Tragique et philosophique !

La version opéra de Breaking the waves, le film culte de Lars Von Trier, investit l’Opéra Comique. Au-delà du mélodrame poignant, une œuvre d’une grande intelligence !

Breaking the waves – Extraits

Grand prix du jury au Festival de Cannes en 1996, Breaking the waves reste un des meilleurs longs-métrages de Lars Von Trier, aux côtés de Dancer in the dark, Palme d’or 2000 : deux tragédies mélodramatiques pointantes. Sur le papier et dans ce domaine, ces films n’ont rien à envier à celles de Shakespeare ou Racine. Jugées trop excessives pour certains, ces deux œuvres sur le thème du sacrifice ont marqué toute une génération de cinéphiles et inspiré un grand nombre d’artistes dont la compositrice Missy Mazzoli et le librettiste Royce Vavrek. 

Breaking the waves © S. Brion

En 2016 à Philadelphie, pour fêter les vingt ans de Breaking the waves, Missy Mazzoli et Royce Vavrek en ont tiré un opéra tout aussi bouleversant ! Le texte a été revu, mais l’histoire est la même. Dans une stricte communauté calviniste du nord de l’Écosse, Bess, amoureuse obsessionnelle, se marie avec le norvégien Jan, un homme robuste qui travaille sur une plate-forme pétrolière. La jeune femme ne supporte pas de le voir partir en mer et de vivre séparée de son homme. Elle s’en remet à Dieu avec qui elle communique régulièrement. Elle l’implore de faire en sorte qu’il reste auprès d’elle, pour toujours. Le tout puissant exauce son souhait. Suite à un grave accident, Jan revient paralysé. Voyant qu’il ne peut combler ainsi son épouse, il la pousse à chercher le plaisir auprès d’autres hommes… Le sacrifice est au cœur de cette œuvre noire et puissante, teintée de perversité ! Breaking the waves pousse le spectateur dans ses retranchements. Bien qu’il s’agisse d’un mélodrame exacerbé, Missy Mazzoli y est allée mollo sur les violons. Sa partition crescendo tout en finesse, à mi chemin entre le classique et le contemporain, a dû mal cependant à trouver sa place et à embarquer le spectateur. Aucun air marquant, mais un final explosif. Toute l’originalité de cette version est contenue dans la scénographie ! Un plateau tournant constitué de monolithes sur lesquels sont projetées des vidéos permettent de situer l’action (la plate-forme, un bateau, les falaises ou l’église) dévoile les scènes les unes après les autres dans un mouvement perpétuel, sorte de spirale inexorable vers l’enfer d’une société archaïque dans lequel ce couple en marge est jeté. La mise en scène de Tom Morris est particulièrement inventive. Le dieu en lequel croit Bess est ainsi représenté par des hommes au torse nu habillés d’une veste, symbolisant la folie qui menace à tout moment de la happer.  

Breaking the waves © S. Brion

Coté sexe, malgré un avertissement de la production : rien de choquant ! Un léger aperçu de la moitié de la paire de fesses du baryton Jarrett Ott, lors d’une scène d’amour, rien de plus. On aurait presque aimé en voir davantage. La scène d’avant, dans laquelle Besse est en admiration devant son torse qu’il exhibe fièrement est finalement nettement plus érotique, mais loin d’être gratuite, elle témoigne d’une fusion charnelle entre les deux amants. 

Breaking the waves © S. Brion

Plus bouleversant que choquant, plus spirituel que tire larme, ce Breaking the Waves déploie toute sa force dans un acte III fiévreux, tragique et vertigineux, et interroge : où se situent les limites entre sacrifice, amour et folie ? L’opéra tout comme le film ouvre le débat.

Breaking the Waves à l’Opéra Comique jusqu’au 30 mai 2023.

Direction musicale, Mathieu Romano – Mise en scène, Tom Morris – Avec Sydney Mancasola, Jarrett Ott, Wallis Giunta, Susan Bullock, Elgan Llŷr Thomas – Chœur Aedes – Orchestre de chambre de Paris.