Se jouant des genres et des époques, Pi Ja Ma revient avec « Seule sous ma frange », un second disque imprégné de romantisme et partagé en deux faces : la A dédiée à l’optimisme et la B nettement plus mélancolique. Pauline de Tarragon, de son vrai nom, y explore ces deux facettes de sa personnalité en compagnie d’Axel Concato son fidèle producteur et co-compositeur depuis son EP Radio Girl (2016). Ensemble, ils s’aventurent sur les terres d’ABBA, de Daft Punk, des Rita Mistouko, de Jacques Demy et Michel Legrand, du doo-wop… Autant de références volontaires et assumées ou pas que nous avons abordées avec elle et sa chienne Sacha présente lors de notre entretien comme sur la pochette de l’album.

Comme c’est la première fois que nous nous rencontrons, je suis obligé de te demander d’où te vient ce pseudo Pi Ja Ma ?
Pi Ja Ma : « J’ai choisi ce pseudo quand j’étais encore très jeune, à la sortie de La Nouvelle Star, quand je me suis lancée ! Je ne voulais pas me prendre trop au sérieux. Je souhaitais créer un univers un peu décalé. Je me suis alors demandée ce qui me définissait le mieux. J’ai besoin d’être rassurée, confortable, dans ma chambre et donc en pyjama. C’est un vêtement qui me ressemble. Je trouvais ça drôle de s’appeler Pi Ja Ma. Maintenant, je regrette un peu. Je me dis que j’aurais pu juste choisir mon prénom et mon nom tout simplement : Pauline de Tarragon. Mais le « de » a un côté un peu aristocrate et je crois qu’une fois qu’on a choisi un nom, il ne faut plus y réfléchir et revenir dessus. Finalement, les Rolling Stones se sont peut-être aussi dits que ce n’était pas ouf comme nom [rires]. »

« Seule sous ma frange » évoque parfois ABBA ou le doo-wop, un hasard ?
Pi Ja Ma : « Je n’ai pas vraiment d’influences 50’s mais comme il y a dans mes chansons beaucoup d’harmonies, elles peuvent parfois évoquer cette époque. Quand j’ai réalisé cet album, j’ai surtout écouté ABBA, The Beach Boys et The Beatles que j’écoute depuis toujours. J’aime bien ces mélodies un peu « cucu », ces ballades à la Elvis ou même à la Sheila. C’est difficile pour moi de dire ce qui m’inspire. Maintenant, avec les plateformes de streaming, on écoute plus vraiment les albums en entier, on passe du rap à la pop au jazz. Je peux écouter Starmania en boucle puis passer à Rosalía. Les gens de ma génération produisent une musique très diversifiée. Nos influences sont hyper variées et je crois que c’est ce qui fait l’originalité de nos projets. »
Dans la chanson « Bisou », il y a des « woh, woh, woh, woh » qui évoquent les « Wha-oh-oh-oh » de « Be My Baby », le tube de The Ronettes. Es-tu fan comme nous de ce titre ?
Pi Ja Ma : « Alors maintenant que tu le dis, je me rends compte que j’adore cette chanson. J’adore la chanter. Mais ce « woh, woh, woh, woh » me fait penser aussi à 1 000 autres chansons. Il y a aussi dans « Bisou » un arrangement robotique dont on m’a dit qu’il rappelait Les Rita Mitsouko, on m’a même parlé de Jane Birkin, mais là je ne vois pas le rapport [rires]. »
« Be My Baby » est dans la B.O. de « Dirty Dancing » et d’ailleurs cet album, pour moi, pourrait être la B.O. d’une bonne comédie musicale. C’est un style qui te touche ?
Pi Ja Ma : « Oui j’aime bien, mais je n’ai pas vu tant de comédies musicales que ça. J’adore « Peau d’Âne » et « Les Demoiselles de Rochefort », tous les films de Jacques Demy et Michel Legrand. J’adore ce côté faussement naïf. « West Side Story » aussi, mais il y a plein de références que je n’ai jamais vues ou même entendues. »

On définit l’univers de Jacques Demy par les couleurs « rose et noir », est-ce qu’elles pourraient aussi définir « Seule sous ma frange » qui est partagé en deux faces ?
Pi Ja Ma : « Le rose complètement ! Le noir aussi en fait ! La face A est très pop et positive, la face B beaucoup plus mélancolique et plus dark en effet ! Il y a cette dualité qui est aussi complètement en moi. Je voulais que cet album soit à cette image. J’y parle beaucoup de relations amoureuses mais aussi de vouloir rester indépendante. Le titre de l’album, c’est « Seule sous ma frange ». L’album est truffé de pleins d’éléments contradictoires qui me définissent bien. Mon concept serait davantage associé au rose et au bleu, le bleu pour la mélancolie. »
Peux-tu nous parler de la chanson étonnante « America » ?
Pi Ja Ma : « Cette chanson, c’est un peu une blague. Avec Axel, nous avons écrit une histoire totalement absurde. Il s’agit d’un soldat qui revient de la guerre mais beaucoup beaucoup trop tard, genre 30 ans après la fin. Sa femme s’est remariée. Elle n’a plus besoin de lui. Elle lui dit qu’elle a refait sa vie. C’est hyper ringard, on a pris ça comme un exercice de style. Cette chanson m’évoque celle de « Top Gun », « Take My Breath Away ». Maintenant, on prépare le clip. On s’est dit qu’on ferait du cheval sur la plage au ralenti [rires]. C’est un peu ça, l’ambiance de cette chanson qui est une de nos préférées. »
En plus de la musique, tu touches à tous les arts graphiques, est-ce que c’est toi qui réalise tes clips ?
Pi Ja Ma : « J’ai réalisé « J’ai oublié », une chanson très personnelle. Je voulais un clip très minimaliste et je ne me voyais pas demander à quelqu’un de le réaliser. On a demandé à des agriculteurs l’autorisation pour tourner dans le champ. J’avais préparé un peu ma chorégraphie, les mouvements de caméra, mais pour des clips plus ambitieux, je préfère travailler avec des amis réalisateurs. Au départ, je voulais tout faire, les clips, la pochette, les photos, mais je me suis rendu compte qu’il y a des gens dont c’est le métier, alors autant en profiter. »
Et la pochette de « Seule sous ma frange » ?
Pi Ja Ma : « J’ai fait la pochette en effet, mais pas la photo. Il y a du papier, de la peinture, du stylo, j’ai mélangé plein de techniques. Sur la photo, je suis bien apprêtée mais je suis en train de sortir mes poubelles. Et, il y a Sacha qui est aussi partout dans la promo de cet album [rires]. Elle a son compte Instagram et des fans. Dans la rue, des gens la reconnaissent même avant moi. »

Seule sous ma frange, le nouvel album de Pi Ja Ma